Je l’ai vue pour la première fois dans une salle de bain. Une grande et belle salle de bain avec de la faïence bleue et blanche au sol, une baignoire sur pieds et une fenêtre donnant sur le jardin (ce genre de détails n’est pas anodin lorsque l’on vit dans de minuscules appartements depuis une dizaine d’années). Dans un premier temps, par réflexe, mes yeux se sont détournés.
J’en avais seulement entendu parler en cours d’histoire de l’art par des professeurs cyniques qui ne nous l’avait pas montrée. Face à cet entrejambe de femme en plan rapproché, j’étais gênée. Scandaleuse et gênante mais néanmoins fascinante il faut bien l’avouer.
Après tout, je passais plusieurs heures par semaine à observer des céramiques bien plus explicites de bacchanales antiques qui feraient rougir nos contemporains les plus libérés et amateurs de « parties fines ».
Alors pourquoi être mal a l’aise devant cette nudité en particulier ? J’ai donc observé cette toile comme n’importe quelle autre et ait pu constater que sa qualité plastique est spectaculaire. Mais c’était tout.
Je l’ai revue ensuite au Musée d’Orsay « en chair et en os », et elle m’a semblée un petit peu ridicule. Peut-être parce que je l’avais déjà vue mais elle m’avait semblée petite, presque insignifiante et nettement moins étonnante que dans cette salle de bain bourgeoise. J’ai trouvé que le cadre doré et plein de fioritures dénaturait complètement la toile et que, avouons-le, elle n’avait rien à faire dans un musée.
Non pas parce qu’elle n’est pas une œuvre d’art (à vrai dire je n’en sais rien si c’est une œuvre d’art ou pas, ce n’est pas à moi de juger) mais parce qu’il me semble qu’elle nécessite et qu’elle mérite davantage d’intimité que celle offerte par un musée. Elle ne mérite pas de se retrouver parmi d’autres toiles sans aucun rapport et de voir défiler des milliers de touristes riant grassement. Qu’elle soit si mal mise en valeur m’a fait un peu de peine et j’ai pu constater que je n’avais pas été séduite seulement par ces qualités plastiques.
De plus, un visage de femme semblant appartenir à notre Origine est apparue cette année. La nouvelle m’a fait rire, puis un peu moins lorsque la presse à scandale s’est emparée du sujet.
S’en est suivi un grand débat surréaliste pour tenter de savoir si ce sexe féminin observé de près pendant plus d’un siècle appartenait bien au visage.
Passons sur la recomposition qui parait anatomiquement incorrecte, pour relever LA question. À-t-on réellement envie de voir un visage sur ce corps ? L’Origine du monde sans visage conservait une forme de poésie en raison de son statut anonyme. Je ne connais pas bien la différence entre l’érotisme et le pornographique, mais il semble que ce visage fait que cette toile, en perdant son mystère, franchit une limite et ainsi toute sa subtilité.
A-t-on vraiment besoin d’un visage pour ce corps décapité, ou doit on le laisser tel quel ? Certaines choses doivent être laissées incomplètes ou incorrectes. Un peu comme les statues antiques qui nous apparaissent blanches alors qu’elles étaient à l’origine peintes.
Avec ou sans visage, L’Origine du monde de Courbet fait toujours parler et continue de nous interroger sur la relation que nous entretenons avec la nudité féminine. À défaut de jolie salle de bain, vous pouvez tout aussi bien retrouver cette œuvre dans l’ouvrage L’Origine du Monde publié récemment aux Éditions Parkstone International mais aussi directement sur votre tablette.
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